Humour, Légèreté et Inconsistance
Je suis en train de lire le dernier roman de Frédéric Beigbeder, un roman qui, bien qu’un peu trop centré sur la personnalité débauchée de son « auteur » à mon goût, a l’énorme mérite de soulever une question philosophique et sociologique très actuelle : une société qui rit de tout n’est-elle pas une démocratie qui se meurt ?
Car à l’heure où nous sont jetés aux yeux et aux oreilles les plus grands drames humains, le principal commentateur en est un chroniqueur sarcastique qui, à sept heures du matin ou du soir, va trouver le coupable idéal avant de le mettre en morceaux.
Au-delà des mauvais mots, des faux pas et des trahisons des grands de ce monde, qui, désormais, ne passeront plus jamais inaperçus, se pose la question de la contre productivité du rire aux dépens d’une personne ou d’une cause, comme une espèce de fosse aux lions où viendrait se déverser la haine et le ricanement de tous, sans que, pour autant, on fasse quelque chose pour avancer.
Je me juge comme quelqu’un ayant de l’humour et trouve que la caricature est un bon moyen de remettre un peu de légèreté et de bon sens dans les débats publics. Mais, ce que j’aime avant tout, c’est l’humour qui surprend et déroute. Une façon de changer subitement de paradigme et de sortir du raisonnement (et de l’humour) cousu de fil blanc. L’humour est, selon moi, toujours un peu absurde et forcément gratuit. Et si l’humoriste fait une caricature, il doit la faire au bénéfice de tous et d’abord en balayant devant sa propre porte, pas uniquement pour tourner l’autre en ridicule. Faire de l’erreur humaine une blague permanente, c’est jouer à Brice de Nice sans en avoir le second degré. Et, franchement, se targuer d’avoir de l’humour quand on est soi-même susceptible et qu’on ne sait rire que de l’autre, est-ce vraiment avoir de l’humour ?
Je suis plutôt drôle dans la vie et plutôt sérieuse lorsque je prends la plume. Peut-être est-ce parce que les sujets que j’aborde à l’écrit sont ceux qui me semblent importants et que je juge que les émotions et sujets que je traite au travers de mes personnages ont besoin d’un minimum de gravité pour être entendus. Mettre un gros LOL ou un rire enregistré à la fin de chaque phrase, ne dédramatise pas une situation mais en diminue la force de conviction et l’importance qu’on est censé y accorder.
Alors je ne dis pas qu’il faut être sérieux tout le temps mais je suis d’accord avec Beigbeder lorsqu’il dit que ce rire omniprésent, représenté par cet Emoji hystérique de rire avec larmes, (que d’ailleurs, personnellement, je n’ai jamais réussi à utiliser à cause de son côté flippant) circulant sur les réseaux sociaux est un phénomène perturbant et pas très rassurant quant à la capacité des foules à débattre de sujets pourtant importants, le moment venu.
L’humour est une preuve d’intelligence, un moyen de changer de point de vue, de détendre une atmosphère mais, pour rester tout cela, il faudrait veiller à ce que nos médias ne le réduisent pas à un Emoji.