Le rôle de l'auteur
Dans les tragiques circonstances que vous connaissez tous, j’ai écrit samedi dernier un billet sur ma page FB. Un billet que j’ai d’abord hésité à poster, non pas à cause de son contenu, (puisqu’il s’agissait de parler d’amour et de respect) mais à cause de ma légitimité à écrire dans de pareilles circonstances. Quel droit avais-je de partager mes pensées sur la tragédie qui nous affectait tous ? Qui étais-je pour donner mon avis sur des événements qui n’ont touché aucun de mes proches, ne sont pas arrivés au coin de ma rue, et concernent des problèmes politiques et sociaux complexes, dont je suis loin de connaître tous les tenants et aboutissants ? Quelle légitimité avais-je à écrire sur le sujet ? Tout ce que je savais, c’est que j’avais une furieuse envie, un besoin impérieux même, de prendre la parole et de partager ce message d’amour. J’avais envie d’utiliser les réseaux sociaux, parce que je voulais donner à mes réflexions une valeur communicative, interactive. J’espérais qu’en partageant mes idées, je rendrai à certaines personnes la capacité de sortir de la peur pour réfléchir à l’avenir de l’Homme et à son arme la plus efficace pour survivre : l’amour. Le matin même, pour faire comprendre à mes enfants à quel point tout cela était important, je leur avait dit une chose : pensez vous que ces hommes, s’ils avaient été amoureux, auraient pu faire ce qu’ils ont fait ? Mes fils ont souri : non bien sûr. Parce qu’être amoureux, c’est se sentir aimable, aimer l’autre et aimer la vie. L’amour à lui seul peut sauver l’homme, j’en suis persuadée. Mais il s’entretient. Qu’avons nous fait depuis dix mois pour guérir le monde de la haine ordinaire à laquelle je faisais allusion dans mon post ? Que faisons nous chaque jour pour être capables d’aller au delà de nos névroses, des pressions que nous imposent la société de consommation et ses discours uniformes ? Quelle image de l'amour, du respect, transmettons nous à nos enfants ? Que faisons nous pour être plus en paix avec nous même et donc, avec les autres ? Ces questions, je m’en rend compte, reviennent dans tous mes livres, avec d’autres questions existentielles qui font que l’homme, à un moment donné, se trouve face à un dilemme : continuer à nourrir son côté obscur ou essayer de s’aimer pour devenir meilleur. Le fait qu’aujourd’hui mes réflexions s’illustrent au travers d’une violente réalité m’a amenée à penser que mon travail d’auteur ne s’arrête pas aux pages de mes fictions. Mon rôle, entant que penseur, est aussi de poser des questions sur la place publique. Il est de ma responsabilité de ne pas fuir quand la réalité rejoint la fiction. Entant qu’auteur, je divertis. Mais je suis aussi un être humain qui pense quotidiennement à des questions de société et tente de questionner les autres sur ces sujets. Les artistes avaient jadis ce rôle d’agitateurs de pensées. Aujourd’hui ils ne se croient plus légitimes et se contentent trop souvent de se limiter à leurs rôles de saltimbanque et de commerçant. Les cafés intellectuels de saint Germain, les débats polémiques à la télévision, tout cela a disparu. Mais il reste la toile. Internet peut être un nouveau lieu d’échange, si chacun prend garde à rester constructif, à peser ses mots. Alors voilà, j’espère que vous tous, amis penseurs de tous horizons, participerez à ce mouvement pour que ce deuxième drame en un an, ne disparaisse pas en un feu de paille, une fois l’émotion passée. Chaque voix est importante. Chaque individu est un moteur. Et je crois qu’il est urgent de participer à une réflexion sur la place que chaque individu souhaite avoir dans le monde et sur la façon dont il peut l’aider à sortir de la noirceur dans laquelle il s'est englué. Pour ma part et en toute modestie, je continuerai donc à vous parler ici de ces questions et serai heureuse, si ma voix vous interpelle, d’échanger avec vous…