Polar vous avez dit Polar ?
C’est avec un immense plaisir que je me suis immergée ce week-end, pour les besoins d’un article, dans l’univers inquiétant de « Monsieur Ripley », oeuvre incontournable de Patricia Highsmith, un auteur dont le talent pour le suspense et les ambiances ambiguës me captive autant en tant que lectrice, qu’en tant qu’écrivain !
Or j’ai découvert par hasard que cette romancière, dite « de polar », avait confié à un ami qu’elle ne se considérait pas du tout comme un auteur de roman policier, mais avouait, par contre, aimer l'idée du suspense, et être fascinée par l'amoralité.
Découvrir cet aveu m’a particulièrement interpellée car, en tant qu’auteur de romans noirs où s’immisce le crime, je peine souvent — entre suspense et polar — à classifier mes écrits. J’ai beau parler de meurtres ou de flics, je n’ai jamais le sentiment qu’il s’agisse vraiment du sujet principal. Mon attention, lorsque j’écris, est totalement centrée sur le profil psychologique de mes personnages, sur leurs dilemmes. Le crime, s’il a lieu, n’est dès lors qu’un dérapage, une opportunité d’aller observer ses conséquences irréversibles et de créer du suspense... Mais jamais une motivation première.
Or en lisant Monsieur Ripley et en en visionnant ses deux adaptations cinématographiques, j’ai réalisé qu’effectivement, la richesse de l’oeuvre, pourtant qualifiée de polar, résidait moins dans l’enquête (quasi absente d’ailleurs) que dans l’ambiance interlope et le profil borderline de Tom Ripley. Un trio amoureux aux relations masochistes, la quête de reconnaissance sociale, la fausseté des apparences: voilà les vrais thèmes que posent ce roman. Le meurtre n’est qu’une conséquence inévitable, un billet sans retour vers la folie.
D’ailleurs, les deux adaptations du rôle au grand écran (« Plein Soleil » de René Clément en 1960 – « Le talentueux Monsieur Ripley » d’Anthony Minghella en 1999), différentes mais finalement assez complémentaires, illustrent bien cet univers à la fois magnifique et inquiétant, où le côté psychologique des personnages prime sur le polar. Entre la froideur d’Alain Delon et la maladresse juvénile de Matt Damon, Ripley est un personnage terriblement humain dans ses souffrances et dangereusement amoral dans ses actes : c’est ce qui en fait un héros aussi fascinant.
Chabrol disait: « J'aime le polar, c'est comme une bouée de sauvetage pour explorer l'humain. On peut y présenter les pièges de l'existence, une énigme, qui est totalement ou partiellement résolue à la fin du film. » J’adore cette définition. Et si le polar n’est finalement qu’un prétexte aux questionnements de l’être humain sur son existence et une porte ouverte vers le suspense, alors oui c’est certain : j’écris bien des polars !