Jusqu'à quand ?
Ce matin, comme chaque mardi, j’ai emmené mon fils de 20 ans à l’arrêt de bus pour qu’il se rende à l’association d’aide aux réfugiés où il effectue un service civique depuis Janvier. Travail au sein de l’association la semaine, petit boulot à la caisse du supermarché de notre ville le week-end, quelques potes et sa petite amie durant son jour de repos... Je suis heureuse qu’en attendant de pouvoir se réorienter en septembre en sociologie, il puisse continuer à côtoyer le monde chaque jour, à réfléchir aussi, en échangeant avec des personnes au parcours moins lisse que ceux qu’il a pu croiser jusqu’ici. Malgré cela, mon fils est comme tous les jeunes de son âge, il se questionne. Passionné de philo, il lit beaucoup et se demande de quoi sera fait son avenir.
"- Est-ce que tu crois que la baisse du niveau de vie, quelle que soit la profession que l’on exerce, est une fatalité ? " m’a t-il demandé alors que nous approchions de l’arrêt de bus.
J’ai réfléchi :
"- Tu sais, pour commencer, une société qui se construit exclusivement sur la consommation ne peut pas te donner de bons critères quant à ce qu’est un niveau de vie acceptable. Depuis 70 ans, nous vivons dans l’illusion d’un schéma de vie qui devrait permettre à chaque génération de consommer plus que la précédente. C’est ainsi que, désormais, on mesure l’évolution d'un peuple : pas sur son accès à la culture, à la connaissance ou à son aptitude à développer des solutions pour rendre la vie meilleure. Non. Aujourd’hui, réussir, c’est gagner plus et dépenser plus que le voisin. Mais de quoi as-tu besoin pour vivre ? De nourrir ton esprit, ton cœur et ton corps. Pour le reste, à toi de voir si une voiture, une villa de 200 m2, une piscine ou une TV connectée font de toi quelqu’un de plus « riche ».
- Effectivement, m’a- t-il répondu. Mamie raconte toujours que sa mère lui disait que la richesse, c’est quand on peut payer ses factures.
- Oui, un travail doit nous permettre de vivre décemment, c'est certain. Mais il y a autre chose, ai-je poursuivi. Il existe un autre phénomène, plus récent qui montre à quel point il est urgent de se faire une image différente de notre avenir. Depuis un an, à cette société de consommation s’est greffée une volonté politique et sociale tournée vers le passé. Depuis un an, et de façon totalement incroyable, nous avons, pour la première fois, décidé de privilégier officiellement la santé des plus âgés à l’emploi des jeunes, à l’éducation des jeunes, à la planète dans laquelle vivrons les jeunes. Or quel parent s’occupe de lui avant de s’occuper de ses enfants ? Quel état s’occupe de ses ainés avant de se préoccuper de ses jeunes ? Voilà le paradoxe d’une société qui était sur le point de laisser mourir tous ses anciens à l’EPHAD et qui, d’un coup, en fait le leitmotiv de chacun de ses actes et de chacune de ses lois !
On meurt davantage et plus vite de la pollution, du chômage, de la solitude, de la pauvreté, que du COVID ; en privilégiant la santé à toute autre chose, on a laissé se déployer d’autres maladies, bien plus graves, et qu’un vaccin ne suffira pas à éradiquer.
- C’est vrai... C’est le monde à l’envers, m’a- t-il répondu songeur. Vos grands-parents ne pourraient pas y croire...
- Non, continuai-je. Et, crois-moi, moi non plus je ne veux pas y croire ! Mais pour en revenir à ta question, je ne crois pas en la fatalité. Je crois par contre que les histoires que l’on se raconte finissent par devenir notre réalité. Alors pour que les choses changent, il faut changer d’histoire. Si tu sais réinventer un métier, y mettre de la nouveauté, l’exercer sans miser sur un système mais sur ta vision, alors il n’y a pas de raison que tu sois plus « pauvre » que la génération précédente. Mais encore faut-il oser réfléchir hors des sentiers battus et ne pas avoir peur de prendre certains risques. »
Nous nous sommes quittés à cause du bus qui arrivait, en nous promettant de reprendre cette discussion lors d’un déjeuner en plein air dans la semaine. Je l’ai remercié pour cet échange et l’ai embrassé tendrement.
C’est bien décidée à ne me laisser emporter, ni par une politique du martyr, ni par une politique de l’autruche que je voulais bloguer aujourd’hui. Pour marquer le coup, et peut-être aussi les esprits. Pour que les interdictions ne deviennent pas une habitude, pour que la jeunesse reprenne sa place et que la vie reprenne son cours, avec cette maladie comme avec le Sida, ou le Cancer ou la Famine, dont les morts mériteraient tout autant de faire la une des journaux.
Et à la question « jusqu’à quand» je répondrai : certainement jusqu’à ce que nous en ayons décidé autrement...
Bonne semaine à tous . Le bisou